La réalisation de travaux de rénovation ou de démolition dans un bâtiment soumet le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage des travaux à une obligation essentielle lorsque le bien peut abriter des matériaux et produits amiantés, des revêtements plombifères ou tout autre élément en plomb : celle de faire réaliser un répérage amiante avant travaux (RAT) et un diagnostic plomb avant travaux. Le donneur d’ordre d’une grande enseigne parisienne qui n’avait pas mis en oeuvre ces contrôles immobiliers dans la totalité du bâtiment concerné par le projet de travaux a été doublement sanctionné : l’entreprise des travaux a abandonné le chantier en cours de réalisation et la cour d’appel de Paris l’a condamné le 12 juillet 2023 à verser une indemnité de plus de 103 000 euros égale au manque à gagner de l’entreprise concernée. Voici les faits.
Face à des risques d’exposition à l’amiante ou au plomb en milieu professionnel ou privé, la réglementation amiante ne tolère aucun compromis. Un immeuble bâti qui fait l’objet de travaux doit être obligatoirement soumis à un RAT si son permis de construire a été délivré avant juillet 1997 et systématiquement à un diagnostic plomb avant travaux. En effet, il s’agit avant tout de protéger les futurs travailleurs du chantier de tout risque d’exposition aux poussières d’amiante ou de plomb. Dans cette affaire, le maître d’ouvrage d’importants travaux de réaménagement à réaliser dans les quatre étages d’une grande enseigne parisienne n’a pas rempli ses obligations de prévention sanitaire dans la totalité de la zone soumise aux travaux, et ce, malgré deux relances de l’entreprise générale du bâtiment, à savoir au démarrage du chantier et deux mois après. Celle-ci a donc fait valoir son droit de retrait de ce chantier coûteux (plus d’un demi-million d’euros) en prenant soin de faire valider sa décision par l’inspection du travail.
Le 12 juillet 2023, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement prononcé en première instance à l’encontre de l’entreprise des travaux. En effet, le tribunal avait imputé à l’entreprise chargée des travaux la responsabilité de la rupture du contrat, compte tenu de sa décision en juillet 2015 de quitter le chantier qui avait démarré en mai 2015 et qui devait s’achever en octobre de la même année. De plus, à ce titre, elle n’avait pu obtenir d’autre compensation financière que celle de 50 000 euros pour les travaux déjà réalisés. L’entreprise des travaux réclamait en effet un remboursement plus conséquent au regard des travaux finis ainsi que concernant le matériel laissé sur place, les factures à payer aux sous-traitants, la perte de chiffre d’affaires, etc.
À l’inverse, la cour d’appel de Paris a considéré que le maitre d’ouvrage était le seul fautif au regard de l’interruption provisoire des travaux en raison de son manquement au regard de ses obligations de prévention des risques professionnels amiante et plomb. En effet, il avait fourni à l’entreprise des travaux un dossier de diagnostics immobiliers avant travaux incomplet. De plus, il n’avait rien fait pour régulariser la situation. Par conséquent, le marché a été résilié par la cour d’appel qui a condamné le donneur d’ordre à verser plus de 103 000 euros à l’entreprise du bâtiment « à titre d’indemnité compensatrice de la perte de marge brute ». Toutefois, aucun dédommagement supplémentaire n’a été accordé à l’entreprise des travaux pour satisfaire ses autres demandes.